Jeudi 10 mars 2016 à 18h30

“Mlabri- À l’ombre de la canopée”
Un film de Patrick Bernard et Ken Ung, de 52 mn
Production : PLANÈTE ANAKO, avec la participation d’Ushuaïa TV
Collection : LES VOIX DE L’OUBLI , LE SOUFFLE ULTIME des chasseurs-cueilleurs
Sortie 2016
Premières diffusions France 5 et USHUAIA TV
Chronique sur les trente dernières années des derniers chasseurs-cueilleurs dans les forêts ultimes de la région frontalière entre la Thaïlande et le Laos.
Entrée libre sans réservation- 184 Boulevard Saint-Germain, Paris 6e

Dans les forêts ultimes de la région frontalière entre la Thaïlande et le Laos, à l’ombre de la canopée, les derniers chasseurs cueilleurs Mlabri ont su perpétuer leur mode de vie de chasseurs-cueilleurs itinerants jusqu’au début des années 2000.
Les Thaîlandais les appellent “Phi Thong Luan”, les esprits des feuilles jaunes, car ils abandonnent leur modestes abris de feuillages pour se déplacer un peu plus loin dès que les feuilles qui le recouvrent commencent à jaunir.
Pendant 25 ans, Patrick Bernard et son équipe se rendent en de multiples reprises à la rencontre des Mlabri pour accompagner leurs derniers pas de chasseurs cueilleurs à l’ombre de la canopée des ultimes forêts de cette région du nord de la Thaïlande.
Aujourd’hui sédentarisés dans des missions ou des villages gouvernementaux. Le vieux Taluan se souvient de ce temps pas si lointain, où lui et son clan arpentaient encore les profondeurs des dernières forêts primaires de cette region d’Asie.
Un témoignage précieux autant qu’ultime qui nous raconte la chronique des derniers témoins d’un mode de vie qui fut celui de toute l’humanité pendant plusieurs millions d’années et qui s’éteint aujourd’hui dans l’ignorance et l’indifférence du plus grand nombre.
Pendant la plus longue période de son histoire, l’homme a vécu de chasse et de cueillette. Il y a seulement dix mille ans qu’il a commencé, en différents endroits de la terre, à cultiver les plantes et à élever le bétail. On parle de la révolution néolithique et on essaie de dire par là que ce passage à un nouveau mode d’existence a fondamentalement transformé la vie de l’homme. Mais au début de notre ère, la moitié de la surface habitable de la terre était encore peuplée de tribus de chasseurs-cueilleurs. Celles qui survivent aujourd’hui sont devenues si petites et si discrètes que la société humaine contemporaine les ignore et les néglige alors qu’elles sont pourtant les derniers témoins vivants d’un mode de vie qui fut celui de toute l’humanité pendant plus de trois millions d’années.
Puiser sans épuiser, telle pourrait être leur devise. Ne restant jamais très plus de quelques jours au même endroit, les petits groupes de chasseurs-cueilleurs quittent leurs éphémères campements de branchages et de feuillages dès qu’ils sont obligés d’aller trop loin pour trouver du gibier, du miel sauvage, des baies comestibles, des racines ou des tubercules. Ils se font si discrets, si furtifs que la nature se régénère aussitôt après leur départ.
Les derniers chasseurs-cueilleurs ne sont plus aujourd’hui représentés que par quelques centaines de pauvre ères. Mlabri du Nord de la Thaïlande, Batek de Malaisie, Kubu de Sumatra, Jarawa des îles Andaman, peuples isolés de la vallée de la javari en Amazonie, ou Bushmen hadzabé de Tanzanie.
Sacrifiés les uns après les autres sur l’autel de l’uniformisation des cultures, les derniers survivants nous offrent une opportunité inestimable de mieux comprendre cette extraordinaire integration au milieu naturel, les capacites de l’homme à s’y adapter et pour ces survivants d’un mode de vie en voie d’extinction de la respecter au plus haut point.
Pour ANAKO productions, MLABRI – A L’OMBRE DE LA CANOPÉE s’inscrit dans la prolongation de notre démarche qui vise à raconter les peuples et les cultures les plus menacés de la planète à travers des films documentaires de création authentiques, sincères, sans mise en scène ni altération des réalités du terrain.
Riche d’une trentaine de films, la collection LES VOIX DE L’OUBLI, nous raconte ces peuples autochtones, la richesse de ces cultures et de ces spiritualités ancestrale qui s’éteignent peu à peu comme un arc-en-ciel finissant. Chacun de ses films porte un regard personnel et intimiste sur ces peuples dont nous sommes les derniers contemporains. Témoignages ou chroniques sur plusieurs années ou décennies, ils contribuent à la constitution d’une mémoire audiovisuelle authentique, inaliénable, appelée à devenir partie intégrante de l’héritage des générations à venir.
Après de nombreux séjours auprès des chasseurs-cueilleurs Mlabri qui se sont étalés sur les 25 dernières années, nous avons décidé de mettre en œuvre sans tarder la production de ce nouveau film afin de recueillir la parole des Mlabri avant qu’elle ne devienne à jamais silencieuse et de témoigner de ce que fut leur vie passée et cette relation extraordinaire qu’ils ont entretenu depuis l’aube des temps avec la forêt nourricière.
a) Note d’intention de l’auteur-réalisateur
Conscient de l’urgence qu’il y a à témoigner de traditions, de spiritualités et de modes de vie en pleine transformation, j’ai choisi de me consacrer depuis 40 ans à la rencontre des peuples et tribus les plus isolés de la planète et de contribuer à la constitution d’une mémoire audiovisuelle nécessaire pour sauvegarder, au moins par l’image, les cultures de ces peuples de tradition orale aujourd’hui bousculés par la mondialisation galopante.
Filmer et témoigner pour aujourd’hui et pour demain des réalités inconnues, authentiques, de l’intérieur et avec une écriture qui colle au réel, sans chercher à les travestir par quelque mise en scène, est devenu une nécessité à mes yeux.
C’est en côtoyant à de multiples reprises de 1985 à 2014, les chasseurs cueilleurs Mlabri qui jusqu’à tout récemment arpentaient encore les derniers arpents de forêts vierges dans la région frontalière qui sépare le Laos de la Thaïlande , que l’idée de réaliser ce chronique de la destinée des derniers habitants nomades de la canopée m’est apparue comme une urgente nécessité.
Le film nous propose en emboitant le pas du vieux Ta Luan et de sa famille, lors de leurs itinérances à l’ombre de la canopée puis tout récemment dans les villages gouvernementaux et les missions où ils viennent d’être sédentarisés, que j’ai entrepris d’écrire la chronique des derniers souffles de liberté de ce petit clan de chasseurs cueilleurs itinérants du sud est asiatique.
C’est un témoignage précieux, unique autant qu’ultime que le film A L’OMBRE DE LA CANOPÉE nous invite à découvrir.
Il est à mes yeux important de faire mieux connaître et comprendre ces images extraordinaires de pans entiers de la famille humaine en train de disparaître.
« Chaque fois que l’humanité est privée d’un peuple, d’une langue, d’une culture, elle devient orpheline d’une partie d’elle-même »
Lorsque des villageois de la région de Nan, dans le Nord de la Thaïlande tout près de la frontière laotienne, ont découvert, en pleine jungle, de mystérieux abris recouverts de feuilles de bananier jaunies, ils ont pensé avoir affaire à un peuple d’esprits et les ont appelé phi thong leang, les esprits des feuilles jaunes. Le peuple premier de Thaïlande ne compte plus aujourd’hui que deux cent quinze membres. Avec un peu de chance, on peut les rencontrer dans un petit village construit pour eux par le gouvernement régional. Les Mlabri1 y viennent parfois lorsque, poussés par la faim, ils sont contraints d’offrir leurs services aux villageois hmong ou thaïlandais en échange d’un peu de nourriture.
Fin des années 80 et début des années 90
Il y a près de trente ans, lorsque je les ai rencontrés pour la première fois, les Mlabri vivaient encore à l’abri de la forêt dense. Ils fuyaient et s’enfonçaient dans la jungle à chaque fois qu’ils décelaient une présence étrangère. Parfois, la colonne s’arrêtait. Chacun s’activait alors, qui à débroussailler, qui à rechercher des feuilles de bananier. Le petit groupe se posait dans un sous-bois le temps pour les feuilles de bananier de jaunir, les quelques jours nécessaires pour emprunter à la forêt quelques- uns de ses fruits… Au bout de cinq ou six jours, ils quittaient leur éphémère abri de feuillages et se déplaçaient un peu plus loin. Il était temps de pour eux de laisser ce bout de forêt où ils venaient de passer quelques jours se régénérer. Chaque famille rassemblait ses modestes effets et la petite colonne partait à la recherche d’un autre sous bois, d’une autre canopée protectrice.
La raison d’être des Mlabri, c’était alors la jungle avec ses bruits, ses mystères… Leur bonheur, c’était de la parcourir en quête de quelque animal ou de quelques fruits sauvages… De rêvasser au pied d’un arbre, le regard perdu vers le faîte de l’un des derniers grands seigneurs de la forêt. La forêt constituait aussi un terrain de jeux sans frontières ni limites. Dans la nature, chacun apprenait la vie en imitant les plus grands, en se glissant dans les méandres de la jungle, en apprivoisant ses secrets, en domptant ses dangers…
A la fin de la journée, le petit groupe se retrouvait sous les abris de feuillages. On ravivait le feu, on cuisinait le gibier rapporté de la chasse, les tubercules récoltés dans le sous-bois, on faisait chauffer le riz collant dans les tubes de bambou. Chaque famille partageait un repas bien mérité. On en profitait pour se raconter les histoires de la journée, histoires de chasse ou de pêche… Quant à moi, je ne pouvais que me laisser bercer par ce parler modulé et chantant finissant sur un ton plus élevé.
Les images d’archives que nous avons réalisées lors de nos différentes rencontres avec les Mlabri alors qu’ils menaient encore ce mode de vie de chasseurs cueilleurs itinerant viendront illustrer ces étapes importantes de la chronique de ces petits clans pendant les trois dernières décennies.